Tout ceci est dans le dernier Echec & mat "Les Echecs fleurissent à Tahiti" que vous pouvez lire à l’adresse ci-dessous
[url]http://www.echecs.asso.fr/eem/eem98.pdf[/url]
La prochaine assemblée générale de la Fédération Française, qui se tiendra le 29 mars 2009 , élira son
président pour 4 ans. Jean-Claude Moingt a toutes les chances de se succéder à lui-même dans la
mesure où il est le seul candidat en lice. Il est, et restera donc, le 14e président élu de la FFE.
Certains d’entre eux sont passés comme une météorite, d’autres ont marqué l’histoire échiquéenne
française. Petite rétrospective et passage en revue des hommes (il n’y eut jamais de femme !) qui ont tenu les rênes de la Fédération, depuis sa création en 1921.
Article très intéressant sur les différents présidents de la FFE !
Et, je me souviens à l’époque, quand je m’occupais du club de mon Lycée à Toulouse ; c’était un certain Jacques Lambert qui était président de la FFE !
En page 16, il est interrogé par Echecs et mat
interview Jacques LAMBERT, Président de la FFE de 1976 à 1987
« J’ai sorti les échecs des bistrots ! »
À 75 ans, il reste un des rares anciens présidents encore en vie et n’a pas perdu la
mémoire des dates et des faits. Dans un entretien à bâtons rompus, en exclusivité
pour Échec et Mat, il se confie, avec le recul, sur ses onze années de présidence.
Jacques Lambert évoque aussi ses successeurs et la situation de la FFE. Sans polémique
et sans amertume. Mais aussi sans langue de bois. Et sans manquer d’égratigner
gentiment ceux qui, à ses yeux, n’ont pas avancé dans le bon sens. Avec toujours
le souci de la vérité. « Je n’ai pas de linge sale à laver, et de toute façon,
aujourd’hui, il y a prescription. » C’’est lui qui le dit. Avec le sourire.
_ Pourquoi devient-on président de la FFE ? Le goût du pouvoir
?
J’étais le seul candidat pour reprendre la succession de Raoul
Bertolo en 1976. Il faut dire que la situation n’était pas folichonne
: plus de bureau fédéral, plus d’argent, aucun joueur
titré, et un ministère écoeuré par le fiasco financier des
Olympiades de Nice. Tout, ou presque était à genoux. Si j’ai
relevé le défi, ce n’est déjà pas pour l’argent (rires). Ca aurait pu
être le goût du pouvoir, mais ce n’était pas ça chez moi. En fait,
j’avais en tête la phrase de Georges Duhamel : "créer est la seule
joie digne de l’homme". Je trouve cette phrase si jolie.
_ Et finalement, vous avez créé pendant vos onze années de
présidence ?
Je pense que oui. Je pense même être celui qui a créé le plus de
choses dans les domaines les plus variés. Je ne m’intéressais pas à
l’événementiel, mais j’ai réalisé un travail de fond - je savais que
je serais élu pour au moins plusieurs années - et j’ai mis en place
les structures administratives de la FFE et un ensemble de règlements
qui ont perduré jusqu’à aujourd’hui, dont les comités
départementaux, les catégories jeunes, la commission technique
et celle des arbitres. Au niveau des championnats intercercles
également. Jeunes et adultes. On ne se souvient plus trop de
Lambert, mais ce que j’ai fait, c’est resté.
_ En arrivant à la tête de la Fédération, en 1976, vous vous
retrouvez avec deux combats fratricides à livrer…
Effectivement. La FSGT, tout d’abord, appuyée sur un syndicalisme
triomphant, inépuisable en bénévoles et en joueurs. À un
moment, elle était en pourparlers avec la FIDE pour être reconnue
officiellement comme représentante de la France sur le plan
international.
De l’autre côté, il y avait l’association des Amis d’Europe-Échecs
qui réunissait une superbe élite. Les deux clans voulaient me
mettre au placard. Pour réussir à soumettre ceux qui étaient
pourtant mes amis et faire reconnaître l’autorité de la FFE, j’ai
utilisé les deux seules armes dont je disposais : le pouvoir officiel,
et l’opposition bien française entre la province et Paris. Des kilomètres
de textes, de statuts, de règlements sont sortis de ma
machine à écrire. Toujours présentés pour provoquer l’opposition
de l’Île de France, et donc immédiatement adoptés par la
majorité provinciale du comité directeur.
_ En 1987, vous comptiez briguer un nouveau mandat, mais au
tout dernier moment avant l’élection vous vous retirez.
Pourquoi un tel revirement ?
Au bout de 10 ans, ma majorité m’a lâché. Une part des anciens
avait cédé la place à des jeunes. Beaucoup furent influencés,
d’autres contraints, d’autres bluffés. Ainsi va la vie. Très franchement,
je dois reconnaître que ma candidature de 87 était une
niaiserie. D’une part, tout ce que je savais faire avait été fait, et
d’autre part, un baroud d’honneur pour l’idéal bénévole était
superflu. Mon adversaire arrivait avec des méthodes politiciennes
et du rêve plein les mains. Moi, je n’en avais plus à vendre.
Avec le recul, je me dis que si je ne m’étais pas représenté,
je n’aurais pas mis dans l’embarras certains de mes amis qui se
sont retrouvés dans le camp des battus. En fait, la seule façon raisonnable
de mettre en évidence le néfaste de nos adversaires est
de leur laisser le pouvoir quelques années. C’est ainsi seulement
que les yeux s’ouvrent.
_ Et alors ? Est-ce que ce fut le cas ?
À peine élus, mes successeurs se sont follement déchirés pour des
problèmes de préséance. Ils ont mis à terre l’Union Francophone,
qui devait faire contrepoids au Commonwealth et à la Ligue
Arabe, laissé mourir l’Union Méditerranéenne, ils n’ont pas
gardé l’autorité sur la création des catégories jeunes, et n’ont
pas conservé une place au conseil exécutif de la FIDE.
Mais les structures administratives et techniques, bien bétonnées,
ont tenu le choc. C’est ce qui fait que, lorsque cette équipe
a lâché les rênes, Jean-Claude Loubatière a pu reprendre la politique
technique que nous avions initiée, avec l’extraordinaire
succès que l’on sait.
_ Si vous faites le bilan de vos onze années de présidence, de
quoi êtes-vous le plus fier ?
Si je ne devais retenir qu’une chose, je dirais avoir réussi à mener
une politique qui a sorti les cercles d’échecs des bistrots. À mon
arrivée, 95 % des clubs se trouvaient dans les arrière-salles des
cafés. À mon départ, ils n’étaient plus que 5 %. En dotant la
Fédération de structures, les clubs ont pu obtenir un prestige et
des subventions qui leur ont permis de se transformer en véritables
associations sportives.
Maintenant, sur le plan personnel, ma plus grande fierté, c’est
assurément quand Spassky est venu me voir pour me dire qu’il
voulait jouer les Olympiades pour la France. Je buvais du petitlait
(rires).
_ Des regrets ?
Je n’ai pas été bon dans le domaine de la communication,
notamment avec les ministères. Je ne savais pas me vendre pour
trouver des sponsors. Ce n’était pas dans mon tempérament, et
ça reste, à mon sens, la grosse zone d’ombre de ma présidence.
_ Vous avez côtoyé Florencio Campomanès sur la scène internationale,
et vous étiez notamment président de la FFE au
moment du premier match Karpov-Kasparov…
Je n’irais pas faire du bateau sur la Marne avec Campomanès,
mais il faut reconnaître que l’ancien président de la FIDE était un
diplomate de génie. Concernant l’arrêt du match Karpov-
Kasparov, je vais vous avouer une chose que je n’ai pas racontée.
Mais je pense qu’il y a prescription aujourd’hui (rires). Je soutenais
Campomanès sur ce point et je lui avais fait savoir qu’il pouvait
compter sur moi. En France, toute notre politique reposait
sur les jeunes, notamment dans les écoles, et, à mon sens, on ne
pouvait pas prendre le risque qu’un des finalistes du championnat
du monde craque et se retrouve dans une maison de repos.
Et c’était un risque réel concernant Karpov à ce moment. Ç’aurait
été une catastrophe pour notre image, pire encore que d’arrêter
le match. Dans cette affaire, ma première préoccupation, c’était
la pérennité de notre Fédération, pas le résultat sportif.
_ Vous avez par la suite été choisi dans le comité d’appel du
2e match à Leningrad. Un retour d’ascenseur ?
Plus peut-être qu’un retour d’ascenseur de Campomanès, je
pense que c’était une attente d’un retour d’ascenseur de ma part
pour le futur. Il cherchait à s’assurer le soutien d’une fédération
européenne. Quoi qu’il en soit, cette expérience était fabuleusement
intéressante, et j’ai eu la chance de pouvoir m’absenter 40
jours de mon collège où j’étais principal, pour y assister. Kasparov
était vraiment comme un taureau en arrivant sur scène. Karpov,
c’était plutôt l’eau dormante d’un marécage.
_ Comment, aujourd’hui et avec le recul, vous jugez vos successeurs
? Raoul Bertolo, pour commencer, qui a été également
votre prédécesseur…
Tout d’abord, je n’ai pas de comptes à régler, ni de linge sale à
laver (rires). Raoul Bertolo était un travailleur infatigable et a
démontré que la France pouvait organiser de grandes choses.
Mais il avait une politique que je détestais et le pouvoir réel de
la FFE se retrouvait entre les mains d’associations totalement
indépendantes de la Fédération.
_ Jean-Claude Loubatière, qui a été votre directeur technique ?
C’était un extraordinaire génie dans le domaine technique.
Quand je l’avais comme directeur technique, je lui demandais de
me pondre un règlement, il me sortait un oeuf en or massif. Il a
beaucoup apporté à la FFE sur ce plan. Enfin, non. Il a tout
apporté. Mais il avait de grosses lacunes sur le plan administratif.
Il a eu heureusement la chance miraculeuse d’avoir à ses côtés
Jean Bertrand, un homme intransigeant et ultra-compétent
comme trésorier. Et ça, on ne l’a peut-être pas assez dit.
_ Attention, peut-être plus délicat… Jean-Claude Moingt, le
président actuel ?
À la différence des anciens présidents, il avait le désavantage
quand il est arrivé de ne pas faire partie du sérail de la FFE. Il a
fait quelques erreurs et les a reconnues. Il faut reconnaître qu’il
est très bon pour la communication vers les pouvoirs publics et
les sponsors. Mais au-delà des jolis feux d’artifice, pour l’instant,
il n’a pas encore apporté d’outils réellement nouveaux qui pourraient
être utilisables par les ligues ou les clubs.
_ Comment voit-on la Fédération d’aujourd’hui, 30 ans après en
avoir été le président ?
Les bras m’en tombent et je suis un peu atterré quand je vois son
fonctionnement. Mais attention, pas atterré dans un mauvais
sens du terme. Simplement, quand je vois par exemple le nombre
de secrétaires, je me demande bien ce qu’elles peuvent faire,
même si je ne doute pas un instant qu’elles travaillent. Quand
j’étais président, j’avais une seule secrétaire à mi-temps, qui travaillait
parallèlement pour mon collège, et je faisais tout sur ma
machine à écrire (rires). Mais bon, tout évolue, assurément, et il
faut vivre avec son temps.
_ Vous suivez toujours l’actualité échiquéenne ?
Uniquement l’actualité politique de la Fédération. Les événements
et les résultats techniques ne m’ont jamais fortement intéressé.
_ Vous savez qui est l’actuel champion de France ?
Oui, quand même… Étienne Bacrot !
_ Et la championne de France ?
Marie Sebag, non ?
_ Et non… C’est Sophie Milliet !
Oupss… Bon, alors, ça, ne l’écrivez pas. J’ai pensé à Marie, car
pour moi, c’est la plus forte joueuse, et c’est une jeune fille que
j’apprécie beaucoup. Je l’avais invitée au dernier Open du Mans
à Noël.
_ Vous ne lisez donc pas Échec et Mat ?
Quand j’arrive à le trouver. Car pour tout vous dire je ne le reçois
pas. Les animateurs, les présidents de clubs, les entraîneurs, oui,
mais pas moi. Je pense qu’il serait légitime qu’un ancien président
de la FFE le reçoive également. Bon, c’est certainement un
oubli, mais je ne veux pas réclamer, je l’ai déjà fait une ou deux
fois. Et je ne veux pas m’abonner. Comme j’ai parfois mauvais
caractère, c’est sans doute une manifestation de mauvaise
humeur (rires).
_ À quoi occupe ses journées un ancien président de la FFE ?
Je passe beaucoup de temps dans ma maison de campagne. J’ai
eu le grand malheur dans ma vie de perdre ma première épouse,
mais j’ai eu le grand bonheur d’en retrouver une 2e tout aussi
merveilleuse.
_ Vous avez toujours des responsabilités échiquéennes ?
J’ai été président de la commission d’appel et d’éthique de la
FFE jusqu’en 2004. Aujourd’hui, je suis encore directeur de la
commission de discipline de ma ligue, trésorier de mon comité et
co-organisateur de l’Open du Mans. Un peu en retrait, mais pas
complètement en retraite. Mais avec l’âge, je travaille moins vite,
donc je fais moins de choses. Vous serez présent à la prochaine assemblée générale ?
Bien sûr ! Ça fait 62 ans que je suis affilié à la FFE, et toujours
dans le même club du Mans ! J’essaie de ne jamais manquer une
assemblée générale. Je ne fais plus grand-chose à part peut-être
embêter le monde (rires), mais je prends toujours plaisir à assister
aux réunions de famille. Et les échecs, pour moi, c’est ma
famille !
Très intéressant ton post sur les présidents et l’interview de Jacques Lambert sur E.E.
J’ai eu la chance de bien le connaitre puisqu’il faisait partie de mon club quand je résidai dans la Sarthe.
C’est lui qui m’a donné le gout de jouer en le voyant partager sa passion dans une salle de classe.
Après, je suis devenu ami avec lui et joué de nombreuses parties( c’était un des meilleurs du département) soit chez lui ou au cercle.
Je garde un excellent souvenir de cet homme qui a tout donné à notre jeu et qui n’a pas été reconnu à sa juste valeur.
Publier un article sur ce site, c’est facile !
Tutoriel vidéo chapitré de la création du compte aux validations des articles en passant par la rédaction d’articles types. Réalisé par François Bressy, administrateur du site.
Vos commentaires
# Le 24 mars 2009 à 23:16, par François Artis En réponse à : Quatorze présidents pour un royaume sur 64 cases
Tout ceci est dans le dernier Echec & mat "Les Echecs fleurissent à Tahiti" que vous pouvez lire à l’adresse ci-dessous
[url]http://www.echecs.asso.fr/eem/eem98.pdf[/url]
La prochaine assemblée générale de la Fédération Française, qui se tiendra le 29 mars 2009 , élira son
président pour 4 ans. Jean-Claude Moingt a toutes les chances de se succéder à lui-même dans la
mesure où il est le seul candidat en lice. Il est, et restera donc, le 14e président élu de la FFE.
Certains d’entre eux sont passés comme une météorite, d’autres ont marqué l’histoire échiquéenne
française. Petite rétrospective et passage en revue des hommes (il n’y eut jamais de femme !) qui ont tenu les rênes de la Fédération, depuis sa création en 1921.
Les présidents de la FFE
Henry DELAIRE . . . . . . . . . . . . . 1921-1922
Fernand GAVARRY . . . . . . . . . . 1922-1929
Léon TAUBER . . . . . . . . . . . . . . 1929-1932
Pierre BISCAY . . . . . . . . . . . . . . 1932-1955
Marcel BERMAN . . . . . . . . . . . . 1955-1957
Jacques ARNOULT . . . . . . . . . . . 1957-1958
Jean STEVENOT. . . . . . . . . . . . . 1958-1960
Paul GARRET. . . . . . . . . . . . . . . 1960-1962
Pierre AUGEIX. . . . . . . . . . . . . . 1962-1970
Fernand SUPPER . . . . . . . . . . . . . . . . 1970
Raoul BERTOLO. . . . . . . . . . . . . 1970-1976
Jacques LAMBERT. . . . . . . . . . . 1976-1987
Raoul BERTOLO. . . . . . . . . . . . . 1987-1989
Jean-Claude LOUBATIÈRE . . . . . 1989-2004
Georges BECK . . . . . . . . . . 2004 ad interim
Jean BERTRAND . . . . 2004-2005 ad interim
Jean-Claude MOINGT . . . . . . . . . . 2005-…
Article très intéressant sur les différents présidents de la FFE !
Et, je me souviens à l’époque, quand je m’occupais du club de mon Lycée à Toulouse ; c’était un certain Jacques Lambert qui était président de la FFE !
En page 16, il est interrogé par Echecs et mat
interview
Jacques LAMBERT,
Président de la FFE de 1976 à 1987
« J’ai sorti les échecs des bistrots ! »
À 75 ans, il reste un des rares anciens présidents encore en vie et n’a pas perdu la
mémoire des dates et des faits. Dans un entretien à bâtons rompus, en exclusivité
pour Échec et Mat, il se confie, avec le recul, sur ses onze années de présidence.
Jacques Lambert évoque aussi ses successeurs et la situation de la FFE. Sans polémique
et sans amertume. Mais aussi sans langue de bois. Et sans manquer d’égratigner
gentiment ceux qui, à ses yeux, n’ont pas avancé dans le bon sens. Avec toujours
le souci de la vérité. « Je n’ai pas de linge sale à laver, et de toute façon,
aujourd’hui, il y a prescription. » C’’est lui qui le dit. Avec le sourire.
J’étais le seul candidat pour reprendre la succession de Raoul
Bertolo en 1976. Il faut dire que la situation n’était pas folichonne
: plus de bureau fédéral, plus d’argent, aucun joueur
titré, et un ministère écoeuré par le fiasco financier des
Olympiades de Nice. Tout, ou presque était à genoux. Si j’ai
relevé le défi, ce n’est déjà pas pour l’argent (rires). Ca aurait pu
être le goût du pouvoir, mais ce n’était pas ça chez moi. En fait,
j’avais en tête la phrase de Georges Duhamel : "créer est la seule
joie digne de l’homme". Je trouve cette phrase si jolie.
Je pense que oui. Je pense même être celui qui a créé le plus de
choses dans les domaines les plus variés. Je ne m’intéressais pas à
l’événementiel, mais j’ai réalisé un travail de fond - je savais que
je serais élu pour au moins plusieurs années - et j’ai mis en place
les structures administratives de la FFE et un ensemble de règlements
qui ont perduré jusqu’à aujourd’hui, dont les comités
départementaux, les catégories jeunes, la commission technique
et celle des arbitres. Au niveau des championnats intercercles
également. Jeunes et adultes. On ne se souvient plus trop de
Lambert, mais ce que j’ai fait, c’est resté.
Effectivement. La FSGT, tout d’abord, appuyée sur un syndicalisme
triomphant, inépuisable en bénévoles et en joueurs. À un
moment, elle était en pourparlers avec la FIDE pour être reconnue
officiellement comme représentante de la France sur le plan
international.
De l’autre côté, il y avait l’association des Amis d’Europe-Échecs
qui réunissait une superbe élite. Les deux clans voulaient me
mettre au placard. Pour réussir à soumettre ceux qui étaient
pourtant mes amis et faire reconnaître l’autorité de la FFE, j’ai
utilisé les deux seules armes dont je disposais : le pouvoir officiel,
et l’opposition bien française entre la province et Paris. Des kilomètres
de textes, de statuts, de règlements sont sortis de ma
machine à écrire. Toujours présentés pour provoquer l’opposition
de l’Île de France, et donc immédiatement adoptés par la
majorité provinciale du comité directeur.
Au bout de 10 ans, ma majorité m’a lâché. Une part des anciens
avait cédé la place à des jeunes. Beaucoup furent influencés,
d’autres contraints, d’autres bluffés. Ainsi va la vie. Très franchement,
je dois reconnaître que ma candidature de 87 était une
niaiserie. D’une part, tout ce que je savais faire avait été fait, et
d’autre part, un baroud d’honneur pour l’idéal bénévole était
superflu. Mon adversaire arrivait avec des méthodes politiciennes
et du rêve plein les mains. Moi, je n’en avais plus à vendre.
Avec le recul, je me dis que si je ne m’étais pas représenté,
je n’aurais pas mis dans l’embarras certains de mes amis qui se
sont retrouvés dans le camp des battus. En fait, la seule façon raisonnable
de mettre en évidence le néfaste de nos adversaires est
de leur laisser le pouvoir quelques années. C’est ainsi seulement
que les yeux s’ouvrent.
À peine élus, mes successeurs se sont follement déchirés pour des
problèmes de préséance. Ils ont mis à terre l’Union Francophone,
qui devait faire contrepoids au Commonwealth et à la Ligue
Arabe, laissé mourir l’Union Méditerranéenne, ils n’ont pas
gardé l’autorité sur la création des catégories jeunes, et n’ont
pas conservé une place au conseil exécutif de la FIDE.
Mais les structures administratives et techniques, bien bétonnées,
ont tenu le choc. C’est ce qui fait que, lorsque cette équipe
a lâché les rênes, Jean-Claude Loubatière a pu reprendre la politique
technique que nous avions initiée, avec l’extraordinaire
succès que l’on sait.
Si je ne devais retenir qu’une chose, je dirais avoir réussi à mener
une politique qui a sorti les cercles d’échecs des bistrots. À mon
arrivée, 95 % des clubs se trouvaient dans les arrière-salles des
cafés. À mon départ, ils n’étaient plus que 5 %. En dotant la
Fédération de structures, les clubs ont pu obtenir un prestige et
des subventions qui leur ont permis de se transformer en véritables
associations sportives.
Maintenant, sur le plan personnel, ma plus grande fierté, c’est
assurément quand Spassky est venu me voir pour me dire qu’il
voulait jouer les Olympiades pour la France. Je buvais du petitlait
(rires).
Je n’ai pas été bon dans le domaine de la communication,
notamment avec les ministères. Je ne savais pas me vendre pour
trouver des sponsors. Ce n’était pas dans mon tempérament, et
ça reste, à mon sens, la grosse zone d’ombre de ma présidence.
Je n’irais pas faire du bateau sur la Marne avec Campomanès,
mais il faut reconnaître que l’ancien président de la FIDE était un
diplomate de génie. Concernant l’arrêt du match Karpov-
Kasparov, je vais vous avouer une chose que je n’ai pas racontée.
Mais je pense qu’il y a prescription aujourd’hui (rires). Je soutenais
Campomanès sur ce point et je lui avais fait savoir qu’il pouvait
compter sur moi. En France, toute notre politique reposait
sur les jeunes, notamment dans les écoles, et, à mon sens, on ne
pouvait pas prendre le risque qu’un des finalistes du championnat
du monde craque et se retrouve dans une maison de repos.
Et c’était un risque réel concernant Karpov à ce moment. Ç’aurait
été une catastrophe pour notre image, pire encore que d’arrêter
le match. Dans cette affaire, ma première préoccupation, c’était
la pérennité de notre Fédération, pas le résultat sportif.
Plus peut-être qu’un retour d’ascenseur de Campomanès, je
pense que c’était une attente d’un retour d’ascenseur de ma part
pour le futur. Il cherchait à s’assurer le soutien d’une fédération
européenne. Quoi qu’il en soit, cette expérience était fabuleusement
intéressante, et j’ai eu la chance de pouvoir m’absenter 40
jours de mon collège où j’étais principal, pour y assister. Kasparov
était vraiment comme un taureau en arrivant sur scène. Karpov,
c’était plutôt l’eau dormante d’un marécage.
Tout d’abord, je n’ai pas de comptes à régler, ni de linge sale à
laver (rires). Raoul Bertolo était un travailleur infatigable et a
démontré que la France pouvait organiser de grandes choses.
Mais il avait une politique que je détestais et le pouvoir réel de
la FFE se retrouvait entre les mains d’associations totalement
indépendantes de la Fédération.
C’était un extraordinaire génie dans le domaine technique.
Quand je l’avais comme directeur technique, je lui demandais de
me pondre un règlement, il me sortait un oeuf en or massif. Il a
beaucoup apporté à la FFE sur ce plan. Enfin, non. Il a tout
apporté. Mais il avait de grosses lacunes sur le plan administratif.
Il a eu heureusement la chance miraculeuse d’avoir à ses côtés
Jean Bertrand, un homme intransigeant et ultra-compétent
comme trésorier. Et ça, on ne l’a peut-être pas assez dit.
À la différence des anciens présidents, il avait le désavantage
quand il est arrivé de ne pas faire partie du sérail de la FFE. Il a
fait quelques erreurs et les a reconnues. Il faut reconnaître qu’il
est très bon pour la communication vers les pouvoirs publics et
les sponsors. Mais au-delà des jolis feux d’artifice, pour l’instant,
il n’a pas encore apporté d’outils réellement nouveaux qui pourraient
être utilisables par les ligues ou les clubs.
Les bras m’en tombent et je suis un peu atterré quand je vois son
fonctionnement. Mais attention, pas atterré dans un mauvais
sens du terme. Simplement, quand je vois par exemple le nombre
de secrétaires, je me demande bien ce qu’elles peuvent faire,
même si je ne doute pas un instant qu’elles travaillent. Quand
j’étais président, j’avais une seule secrétaire à mi-temps, qui travaillait
parallèlement pour mon collège, et je faisais tout sur ma
machine à écrire (rires). Mais bon, tout évolue, assurément, et il
faut vivre avec son temps.
Uniquement l’actualité politique de la Fédération. Les événements
et les résultats techniques ne m’ont jamais fortement intéressé.
Oui, quand même… Étienne Bacrot !
Marie Sebag, non ?
Oupss… Bon, alors, ça, ne l’écrivez pas. J’ai pensé à Marie, car
pour moi, c’est la plus forte joueuse, et c’est une jeune fille que
j’apprécie beaucoup. Je l’avais invitée au dernier Open du Mans
à Noël.
Quand j’arrive à le trouver. Car pour tout vous dire je ne le reçois
pas. Les animateurs, les présidents de clubs, les entraîneurs, oui,
mais pas moi. Je pense qu’il serait légitime qu’un ancien président
de la FFE le reçoive également. Bon, c’est certainement un
oubli, mais je ne veux pas réclamer, je l’ai déjà fait une ou deux
fois. Et je ne veux pas m’abonner. Comme j’ai parfois mauvais
caractère, c’est sans doute une manifestation de mauvaise
humeur (rires).
Je passe beaucoup de temps dans ma maison de campagne. J’ai
eu le grand malheur dans ma vie de perdre ma première épouse,
mais j’ai eu le grand bonheur d’en retrouver une 2e tout aussi
merveilleuse.
J’ai été président de la commission d’appel et d’éthique de la
FFE jusqu’en 2004. Aujourd’hui, je suis encore directeur de la
commission de discipline de ma ligue, trésorier de mon comité et
co-organisateur de l’Open du Mans. Un peu en retrait, mais pas
complètement en retraite. Mais avec l’âge, je travaille moins vite,
donc je fais moins de choses.
Vous serez présent à la prochaine assemblée générale ?
Bien sûr ! Ça fait 62 ans que je suis affilié à la FFE, et toujours
dans le même club du Mans ! J’essaie de ne jamais manquer une
assemblée générale. Je ne fais plus grand-chose à part peut-être
embêter le monde (rires), mais je prends toujours plaisir à assister
aux réunions de famille. Et les échecs, pour moi, c’est ma
famille !
# Le 27 mars 2009 à 15:33, par Jacques Ribou En réponse à : Re : Quatorze présidents pour un royaume sur 64 cases
Très intéressant ton post sur les présidents et l’interview de Jacques Lambert sur E.E.
J’ai eu la chance de bien le connaitre puisqu’il faisait partie de mon club quand je résidai dans la Sarthe.
C’est lui qui m’a donné le gout de jouer en le voyant partager sa passion dans une salle de classe.
Après, je suis devenu ami avec lui et joué de nombreuses parties( c’était un des meilleurs du département) soit chez lui ou au cercle.
Je garde un excellent souvenir de cet homme qui a tout donné à notre jeu et qui n’a pas été reconnu à sa juste valeur.